Conte médiéval, chapitre III

En ces temps-là, l’activité des boutiques avait repris. De riches marchands s’en allaient quérir étoffes et autres produits manufacturés dans des régions reculées où la main-d’œuvre était bon marché. Ils les revendaient ensuite dans les villages aux regrattiers en faisant de confortables bénéfices. De longs convois de charrettes chargées de marchandises circulaient sur les chemins. Elles doublaient à vive allure les pauvres colporteurs (les pieds poudreux, comme on les nommait alors, car ils n’avaient point de chausses) qui devaient gagner chichement leur pitance.

Dans les villages aussi, la circulation était malaisée, car il fallait pourvoir échoppes et marchés. Des carrioles stationnaient parfois en double file et il était souvent difficile de se frayer un chemin au milieu de tout cet encombrement. Durant le déchargement, les animaux se soulageaient et le pavé des rues devenait aussi glissant que nauséabond. Il y avait là matière à vous crotter la plus résistante galoche, le plus joli sabot, et que dire de ceux qui venaient en ces lieux en escarpins !

Le ministère du Carroyage avait instauré une taxe : tous les chariots, charrettes et tombereaux y étaient soumis et le montant croissait en fonction du nombre de chevaux ou bœufs attelés. Les carrioles et les chars à un seul animal étaient toutefois exonérés car le Roy, magnanime, avait demandé d’épargner les plus humbles de ses sujets. Tout ce Crottin Ordinaire Olfactif – le fameux CO2 – polluait les villages, et les médecins les plus brillants annonçaient que le fait de respirer les humeurs émises par toutes ces déjections animales était un risque certain pour la santé des villageois et des conducteurs. Les druides annonçaient dans leurs prophéties que le remugle de ces gaz enivrerait le ciel et que cela modifierait le climat. Les calamités telluriques les plus désastreuses et les ténèbres s’abattraient alors sur la Terre. Si l’Etat ne prenait pas des mesures pour réduire cette pollution au CO2, pour sûr, l’Apocalypse serait pour demain, clamaient les prédicateurs.

Le Roy reconnut que, pour résoudre ce problème de merdasserie, il fallait réunir ministres, seigneurs, sénéchaux, conseillers, échevins et représentants du peuple. Il créa donc la Grosse Commission qui devait proposer des solutions avant que n’apparaisse la prochaine Lune. Des confréries, qui se disaient plus vertes que l’herbe des prés au printemps, luttaient elles aussi contre ces déjections et préconisaient le recours aux colporteurs pédestres ou l’utilisation d’animaux moins polluants. Le mieux serait le circuit court : pourquoi aller chercher dans le village voisin ce qui pourrait être réalisé dans le nôtre ?

Il fallait donc réduire les parcours, utiliser des animaux de plus petit gabarit, ce qui diminuerait la consommation d’avoine et de foin. Les commerçants, qui se trouvaient ainsi blâmés des conséquences de leurs transports, se défendaient en mettant en avant l’apport de moult marchandises rares à des tarifs concurrentiels. Ils regrettaient que bien des gens du village n’aient pas les compétences requises pour fabriquer toutes ces denrées nouvelles. Et puis, avec toutes ces exigences que réclamaient les villageois, sur le salaire minimum, les congés qu’il fallait rémunérer, les RTT, et les indemnités qu’ils quémandaient quand ils ne travaillaient point, c’était pour sûr un manque de compétitivité.

Le Roy consulta ses ministres et annonça qu’il revenait à l’Etat de prendre de drastiques décisions pour réduire cette inconvenante pollution au CO2, sans parler des émissions de gaz de tous ces équidés et ruminants. Déjà, le trou de l’ozone pointait son orifice maléfique sur le monde des pollueurs. La Grosse Commission se réunit, consulta les éminences du royaume et quelques jours plus tard, le Grand Chambellan présenta les mesures au peuple pour cette transition énergétique de la traction animale. A partir de l’année suivante, tombereaux, charrettes et autres chars tirés par de lourds ruminants ou équidés seraient taxés par un malus proportionnel au nombre d’animaux de trait.

L’Etat préconisait désormais leur réduction, et l’usage des mules et des ânes, beaucoup moins polluants. Il alla même jusqu’à instaurer un bonus pour ceux qui condescendraient à utiliser de simples poneys. Les cochers étaient en rage : comment faire pour conduire nos seigneurs désormais ? Le carrosse n’avancera point si on remplace quatre vaillants destriers par trois mules têtues et vite essoufflées. Les charretiers juraient ! Les puristes passionnés de randonnées à vive allure se demandaient où serait désormais le plaisir de chevaucher ? Et qu’en serait-il des escuyers du Roy qui accompagnent son carrosse ? Ces nobles montures, fussent-elles royales, émettent elles aussi moult émanations de CO2 sur le pavé parisien. Le Roy devait-il désormais se faire accompagner par une escorte de poneys ? Cela ferait sans nul doute bien rire les monarques des pays voisins. Le chancelier du royaume aurait dû s’en inquiéter ! La royale conférence n’avait rien précisé sur ce point !

La sobriété étant de mise, quelques aventureux étaient allés chercher chez les Ibères un curieux animal aussi robuste que bossu et fort économe en nourriture et eau. Il venait, disaient-ils, d’Arabie où les Sarrasins l’employaient à porter de lourdes charges sur de longues distances. C’est ainsi que le dromadaire ① fit son apparition sur le territoire des Francs !

La question de l’autonomie arriva, chacun ayant compris que si quatre courageux chevaux pouvaient tirer une charrette sur vingt lieues sans demander nourriture, cela était impossible pour les mules. D’une part, elles marcheraient plus lentement et d’autre part, il faudrait s’arrêter pour les recharger en nourriture, ce qui allongerait notablement le temps du parcours. La mule est capricieuse et mange lentement ! Cela nécessiterait de créer des bornes de rechargement d’eau et d’avoine sur les chemins loin des villages. Sans doute faudrait-il encore payer quelques deniers d’argent à un garde pour les laisser se recharger ? C’en était déjà assez des diverses taxes d’octroi et de tonlieu, des attaques de brigands qui vous détroussent de vos bourses et de votre marchandise, désormais il faudrait payer pour nourrir et abreuver les bêtes en route ! Où allions-nous ? Pauvre pays des Francs !

Le sujet faisait le buzz, et les discussions étaient fort animées dans toutes les tavernes du royaume. C’est que, désormais, les plus vaillants palefrois ne cotaient plus rien sur le marché de l’occasion. Impossible de les vendre sans faire une grosse perte lors de la foire mensuelle. En revanche, mules et ânes avaient subitement vu leur prix grimper. Les plus anciens charretiers – plutôt climato-sceptiques – disaient qu’ils avaient respiré toute leur vie du CO2 et qu’ils n’en n’avaient point eu d’humeurs pour autant. Selon eux, ce n’étaient là que balivernes de druides incompétents, de ministres avides de taxes pour remplir les coffres du royaume. Les plus hostiles haranguaient les confréries vertes, menées par des jouvenceaux ambitieux, aussi chevelus qu’ignorants, et surtout une jeune jouvencelle du royaume des Vikings, qui voulaient repeindre en vert tout le pays des Francs.

Il fallait derechef faire taire ces enverdeurs ! Les chemins qui reliaient les villages étaient en fait les anciennes voies romaines construites quelques siècles auparavant. Mais les provinces ne possédaient que des coffres quasiment vides et l’entretien laissait à désirer : dalles manquantes et profondes ornières toujours remplies de boue, car il pleuvait beaucoup à cette époque où le réchauffement climatique était encore inconnu. Les échevins obligeaient bien les villageois à la corvée de bouchage des trous en apportant quelques cailloux, mais la population prudente et qui manquait parfois d’audace ne s’aventurait guère à plus d’une demi-lieue du bourg. Au-delà, il fallait être vigilant car il y avait souvent pilleries et rançonnements. Certains seigneurs faisaient même détériorer volontairement les chemins de leur seigneurie, car toute marchandise tombée d’un chariot devenait alors leur propriété !

Les charretiers fouettaient leurs bêtes et roulaient à vive allure pour toujours arriver avant la nuit dans les villages, car il était hasardeux de bivouaquer dans les bois, toujours mal fréquentés. Il est vrai que les auberges étaient rares sur les chemins. Avec cet empressement, nombre de charrettes se télescopaient ou versaient dans le ravin. Le Grand Chambellan avait été informé de tous ces accidents qui endeuillaient le pays. Il promulgua un décret qui désormais limiterait la vitesse des chars et autres charrettes sur les chemins de province à quatre-vingts pas à la minute. La mesure devenait applicable dès le début de l’été suivant. « Des contrôles seront effectués par les brigades des chevaliers du Roy », avait-il annoncé ! La grogne continua de monter parmi les charretiers qui réclamaient toujours en jurant à grands cris le retour au quatre-vingt-dix pas. Ils s’insurgeaient contre cette mesure prise par des technocrates parisiens sans concertation avec les seigneurs de province.

Le Grand Chambellan, qui avait fait quelques déplacements dans tout le royaume, avait dû subir les quolibets d’une population lassée par les mesures royales. C’était – avait-il ouï – une atteinte aux libertés fondamentales du peuple, le droit de se mouvoir avec l’animal que l’on souhaite, à la vitesse que l’on veut. Partout sur son passage, il subissait un tintamarre d’écuelles et de marmites, un charivari à le faire
choir de sa noble monture, mais point de banderoles, car en ces temps-là les Francs d’en bas ne savaient point écrire, ni jouer au scrabble. Epuisé et fort courroucé que le peuple lui ait causé du déplaisir, le teint pâle et l’œil humide, il demanda audience au Roy et lui conta ses mésaventures, le mécontentement de tous ces gueux, cette jacquerie qui s’organisait dans les provinces, tous ces gens qui revêtaient des chasubles jaunes, qui barraient les carrefours en faisant des brûlots de bois mort : « Pour sûr, sire, il faut faire œuvre de compréhension teintée de prudence et faire taire cette révolte avant que tous ces manants ne viennent élever quelques barricades avec les pavés parisiens et attaquer votre castel royal ». Le Roy répondit que de mémoire de capétien, jamais pareille révolte n’avait été ourdie !

Après réflexion dans son palais, il se dit qu’il avait senti le vent du boulet. Il consulta quelques ministres, puis son fou et décida qu’afin de faciliter l’adoption de cette mobilité propre, l’Etat proposerait une aide à la conversion animale en accordant une bourse remplie de 4000 deniers d’argent à tout charretier qui souhaiterait remplacer son cheval par une mule ou un âne et que la somme serait portée à 6000 deniers pour un poney. Il autorisa les attelages composés d’un cheval et d’un poney. Le premier assurerait la traction sur les chemins de campagne, le second qui pourrait se recharger sur les bornes d’avoine, réduirait les émissions de CO2 dans les bourgades. Il venait d’inventer la version hybride rechargeable !

Il confirma aussi que les octrois et le stationnement dans les villages seraient dorénavant gratuits pour ces équipages. Il permit aux seigneurs de province d’établir la vitesse qui leur conviendrait pour les chemins et les routes dont ils avaient la charge. Il demanda aussi que l’on fit venir en son palais quelques citoyens parmi les moins rustres, afin qu’il écoutât leurs revendications. « Ces mesures calmeront le bon peuple, me permettront de restreindre la pollution du CO2, et en même temps améliorera ma popularité », se disait-il en son for intérieur.
Demain sera un autre jour !
C’était il y a mille ans …

« Dromadaires dans l’Occident médiéval » Alain DIERKENS – Université de Bruxelles « Histoire des Francs » Grégoire de Tours

Jacques DUFOUR

Publié sur parchemin recyclé, encre biologique, plumes d’oies non gavées.
Ne pas jeter sur le chemin public.

Retour d’échantillons de l’Espace

Sonde chinoise Chang’e 5 : retour d’échantillons lunaires.

La mission a été lancée le 23 novembre 2020 depuis l’île d’Hainan par la fusée Longue Marche 5.

La sonde Chang’e 5 (prononcez : cháng’é wǔ hào) s’est posée sur la Lune le 1er décembre 2020 et a prélevé 2 kg d’échantillons de sol lunaire qui seront bientôt rapportés sur Terre.

Le Module Lunaire Chang’ e 5 sur le sol de la Lune (dessin)

Le 3 décembre le module de remontée a quitté la Lune, pour rejoindre le module orbital.

Le 7 décembre, l’administration spatiale nationale chinoise a confirmé que la manœuvre d’amarrage automatisée s’est passée comme prévu pour sa mission Chang’e 5. Des images de la jonction entre l’orbiteur et le module de remontée ont été diffusées.

Jamais la Chine n’avait encore tenté un rendez-vous en orbite lunaire.

Chang’e 5 doit être de retour sur Terre le 15 décembre.

C’est une première depuis 1976 (Valéry Giscard-d’Estaing était président !) où la sonde soviétique automatique Luna 24 avait rapporté 170 g de sol lunaire !

Les astronautes américains, au cours des six missions Apollo entre 1969 et 1972, avaient récolté 382 kg de roches lunaires.

Sonde japonaise Hayabusa 2 : retour de poussières de l’astéroïde Ryugu

Hayabusa 2 (Faucon Pèlerin 2) est une sonde spatiale japonaise lancée le 3 décembre 2014. La sonde a rejoint l’astéroïde Ryugu en 2018, y a déposé deux petits atterrisseurs, et prélevé quelques décigrammes du sol. Les agences spatiales allemande (DLR) et française (CNES) ont réalisé le petit atterrisseur MASCOT qui a analysé la surface. Après un voyage de six ans, la capsule larguée par Hayabusa 2 avec à l’intérieur les poussières de l’astéroïde Ryugu est revenue sur Terre. Elle s’est posée dans le désert australien ! Le travail scientifique va commencer. 50 % des échantillons seront analysés par plusieurs laboratoires dans le monde. Les 50 autres % seront conservés sous une atmosphère inerte en attendant que les technologies d’analyse progressent. Respect, pour l’une des missions les plus complexes de l’ère spatiale !

Ryugu (le palais du dragon) découvert en 1999 par le laboratoire Lincoln au Nouveau Mexique (USA), est un astéroïde de 870 m de diamètre. Il fait partie de la famille des astéroïdes Apollon, qui croisent l’orbite de la Terre. A l’apogée de son orbite il se trouve à 211 800 000 km du Soleil (150 000 000 km pour la Terre).

L’astéroïde Ryugu ©JAXA L’ombre de la sonde sur l’astéroïde Ryugu ©JAXA

La capsule larguée par Hayabusa 2 et son parachute dans le désert australien

Mais la sonde Hayabusa 2 n’a pas fini son voyage : après avoir largué la capsule, elle est déjà repartie vers un autre astéroïde, baptisé 1998 KY26.

Noël DOLEZ

Conte médiéval, chapitre II

C’était en 1020, le onzième jour de may, le Grand Chambellan du Roy avait expliqué que les fièvres s’étaient atténuées et que, même si beaucoup de malades étaient toujours alités et que certains trépassaient encore, il allait un peu relâcher la bride sur ses sujets, oh ! Juste un peu.

Il n’était désormais plus nécessaire d’être porteur d’un parchemin pour aller au village, ou s’éloigner d’un quart de lieue, ce qui enchantait le petit peuple, mais contrariait les scribes qui perdaient ainsi moult clients, car en ces temps reculés peu d’entre eux connaissaient l’écriture. Les échoppes pouvaient rouvrir, mais pour y pénétrer il fallait toutefois se masquer le minois et s’enduire les mains d’onguent. Cependant, tavernes et auberges devaient encore garder portes closes, ce qui provoqua un vent de révolte chez leurs tenanciers où victuailles et vins commençaient à se gâter.

Trois semaines plus tard, le Grand Chambellan avait accordé aux sujets du Roy le droit de pouvoir reprendre le travail et de se rendre à vingt-cinq lieues de leur demeure. Ce fut un grand bonheur pour le peuple qui pouvait, après ces deux longs mois d’isolement, retrouver qui sa famille, qui ses amis, qui ses compagnons de labeur. La plus grande contrainte avait été de troquer la traditionnelle escharpe contre un masque peu seyant. Néanmoins, les ministres conseillaient de maintenir le travail à distance, ce qui était fort complexe dans les contrées les plus reculées où les réseaux et le wifi ne passaient pas…

Cette situation contentait toutefois certains travailleurs, qui pouvaient ainsi rester en leur chaumière et porter à longueur de jour leurs braies de jogging ou un simple caleçon. D’ailleurs, certains s’étaient tant goinfrés de soupes grasses et de cochonnailles durant toute cette confination, sans jamais aller marcher même au centre du village et avaient pris un tel embonpoint qu’ils ne rentraient plus dans leurs braies trop étroites, dans leurs chemises trop serrées ! C’était même un drame pour certaines femmes qui n’osaient plus paraître devant leurs voisines et amies… En ce joli mois de mai, les hommes les plus hardis harnachaient leurs montures pour s’en aller courir par les chemins et les bois. Les plus humbles avaient attelés boeufs ou mulets à leurs modestes charrettes pour quérir le bois de chauffage qui commençait à manquer en cette fin de frais printemps, car en ces temps-là la météo était rude, les hivers longs et glacials et l’on ne parlait encore point de réchauffement climatique.

Début juin, quand la neige fut enfin fondue, le Roy abolit toute contrainte pour son peuple, les escoles purent rouvrir et la marmaille libéra enfin des parents épuisés par ces deux mois de garderie forcée dans de modestes chaumières surpeuplées et en grand désordre. Le Roy et son Grand Conseil avaient reporté le second tour de la votation pour élire les échevins qui n’avaient pu l’être au printemps. Son Grand Chambellan dont la barbe, sournoisement attaquée par quelque invisible virus, blanchissait de jour en jour, se fit vaillamment élire bourgmestre en son havre normand. Le Roy, voyant sans doute un mauvais présage en ce revirement de pigmentation de pilosité, le congédia. Le pestiféré, qui n’était pas tout blanc dans cette affaire, mais plutôt poivre et sel, s’en alla donc revoir sa Normandie, ses pommiers et ses célèbres vaches noires et blanches elles aussi, soulagé de ne plus ouïr la révolte des tuniques jaunes et subir les caprices jupitériens du Château.

Un remplaçant arriva, le Roy était allé le mander jusqu’en Navarre. C’était un rustre gaillard, un peu vintage, avec un accent gascon aux fortes émanations d’ail, dont les mimiques amusaient la cour du Roy et le petit peuple. Il était fort pédagogue et, pour que les gueux qui n’avaient pu aller aux escoles comprennent bien ce qu’il disait, il répétait toujours les phrases qu’il jugeait importantes. Il décida – en responsabilité – que le port du masque serait dorénavant o-bli-ga-toi-re dans tous les villages, marchés et échoppes. L’été avançait et les Francs qui le pouvaient partaient en vacances. Le bord de mer était leur principale destination, mais passer les frontières du royaume était une entreprise risquée. Les plus audacieux réussissaient à atteindre le royaume des Ibères et les rivages de cette mer entre les terres, là où l’on se restaure de curieux plats composés de riz jaunasse accompagné de morceaux de poularde sentant la poiscaille. Les moins aventureux envahissaient petit à petit les bords de l’Atlantique.

Le peuple se libérait donc après cette longue nuit de confination, il faisait ripaille bruyamment et se désaltérait à grandes gorgées de vin. Quant aux jeunes jouvenceaux et jouvencelles, ils festoyaient nuitamment à n’en plus finir en se faisant passer à travers le gosier des breuvages élaborés par de savants alchimistes. Divers esprits de vins promptement mélangés à d’étranges fruits et herbacées les enivraient, et leurs cerveaux embrumés par ces vapeurs éthyliques ne leur commandaient plus de respecter la distanciation préconisée par l’Agence Royale de Santé. Ils parlaient alors dans un langage des plus barbares de « mojito, spritz, shoots , de faire des face-time et des whatsapéro ». Ils se faisaient porter par des livreurs pédestres (le vélo Uber n’avait pas encore été inventé) d’énormes quantités de tourtes cuites au feu de bois avec des tomates et du fromage fondu, une mode venue de la lointaine province de Campanie. Certains humaient des vapeurs d’herbe séchée puis lentement consumée, venue clandestinement de chez les Sarazins. Bardes et ménestrels, si longtemps confinés, car travaillant dans l’événementiel, et qui avaient dû cesser leur labeur, se lâchaient désormais en créant des musiques assourdissantes que seul le diable aurait pu entendre ! Les lendemains étaient plus tristes car, outre les maux de tête sous ces blondes chevelures et quelques régurgitations de leurs entrailles, la fièvre maligne rôdait et se transmettait de groupe en assemblée. Le ver était dans le fruit et le virus dans la teuf. Il appartenait donc au Roy de guérir les écrouelles, le virus et le taux d’alcoolémie des jeunes Francs qui ne cessaient de grimper dans les bilans hebdomadaires du directeur de la santé, qui jugeait la situation sous contrôle, mais fort alarmante. Jugement de Salomon…

Les tavernes avaient enfin rouvert, mais pour y ingurgiter cochonnaille et chapons gras, il fallait suivre le protocole royal. Avant de s’asseoir devant son écuelle, l’on devait entrer masqué d’une étoffe et se laver les mains avec cet onguent d’esprit de vin. D’aucuns voulaient parfois se rincer le gosier avec : « Cela nous protégera des humeurs qui donnent la fièvre », disaient-ils. Mais l’aubergiste veillait, toujours prêt à servir quelques pichets remplis du vin de ses meilleures barriques. Dans les bourgs, sur les marchés, dans les échoppes, tous devaient porter le masque et ceux qui ne respectaient pas la loi étaient considérés comme des brigands. Les gardes royaux veillaient et les contrevenants étaient passibles d’une amende de cent-trente-cinq deniers d’argent. C’était une somme que tous ne pouvaient payer, et pour les plus malheureux, c’était alors le cachot.

L’été passa avec son cortège de malades qui croissait lentement. Le ministre de la Santé surveillait quotidiennement le nombre de paillasses disponibles dans les hospices royaux et annonçait chaque semaine au peuple que ça pourrait être pire si ça devenait plus grave. Mais la populace n’écoutait point et disait que tout ceci n’était que menteries pour effrayer le peuple laborieux.

Quand arrivèrent les premiers orages annonciateurs de l’automne, le nombre de malades croissait encore et la jeunesse festoyait toujours autant. Le Roy annonça qu’il instaurait un couvre-feu : chacun devrait avoir rejoint sa chaumière avant le coucher du soleil et n’en plus sortir avant l’aube…Il décida aussi que les tablées ne pourraient être de plus de six personnes, un vrai casse-tête pour les familles nombreuses ! Il avait inventé la jauge. Les aubergistes protestaient, disant que s’ils ne pouvaient plus tenir commerce ni le jour ni nuitamment, ni vendre plats et boissons, c’en était fini pour leurs tavernes !

A l’approche de l’hiver, le Roy parla de nouveau à ses sujets : « Oyez, oyez seigneurs et manants ! Je condescends à rouvrir les échoppes où le peuple pourra quérir toute marchandise qu’il souhaite, mais le nombre de clients devra être restreint ». La jauge royale planait toujours. « Le peuple pourra désormais circuler jusqu’à cinq lieues de son village, mais il faudra pour quelque temps encore être porteur d’un parchemin. Les tavernes et auberges resteront toutefois closes, car c’est en ces lieux que circulent les humeurs et les fièvres ». La royale décision limitait toujours le chiffre d’affaires du petit commerce, et le Roy annonça qu’il compenserait « quoi qu’il en coûtât » les pertes par de nombreuses bourses remplies de piécettes d’argent, généreusement distribuées aux commerçants. Dans les théâtres, les saltimbanques pourraient bientôt redonner spectacle et les troubadours leur musique pour distraire le bon peuple qui avait bien besoin de réjouissances.

Le Roy annonça aussi une grande nouvelle fort attendue : il avait consulté les meilleurs médecins et herboristes et, sur leurs conseils, les plus valeureux druides étaient allés quérir de secrètes plantes par-delà les montagnes et les océans. Ils avaient alors, par de curieux mélanges et de savantes décoctions, confectionné les élixirs les plus puissants qu’il faudrait distribuer au peuple pour vaincre ces humeurs qui les touchaient presque tous. La vie allait enfin reprendre lentement… Demain sera un autre jour !

C’était il y a mille ans …

 

Jacques DUFOUR

 

Publié sur parchemin recyclé, encre biologique, plumes d’oies non gavées.

Ne pas jeter sur le chemin public.

Mystère à Châtellerault

C’était en automne, nous étions en confinement saison 2, et les feuilles d’attestation se ramassaient toujours à la pelle, quelques masques aussi. Notre chasseur d’images s’était levé de bon matin, au chant du coq. Après s’être couvert le minois d’un masque, désinfecté les mains au GHAB (Gel Hydro Alcoolique Bio), muni de l’attestation ad hoc sur papier recyclé, il était parti gaillardement dans la limite du kilomètre gouvernemental et des soixante minutes tolérées, vers les bords de Vienne avec son appareil photo, le zoom déjà armé, prêt à saisir le moindre détail des plumes du  premier moineau qui se présenterait. Le temps étant compté, la distance restreinte, c’est donc au pas de charge qu’il franchit le pont Camille de Hogues, puis parcourt à grandes enjambées les  allées de la Manu, longe le canal pour aller rejoindre son endroit préféré : le calme et bucolique confluent de la Vienne et de l’Envigne où il va pouvoir exercer son art photographique.
Mais là, quelle surprise, aucun gazouillis ! Nul volatile à l’horizon, pas la plus petite aigrette garzette posée sur le tapis flottant de jussie rampante, et pas un oiseau sur la Vienne non plus ! Sur les branches, pas la moindre mésange bleue avec son petit gilet jaune que notre chasseur affectionne tant. Même Martin le pêcheur, son fidèle compagnon de prises de vues, est absent. Il n’y a plus personne pour pêcher le gardon ou chasser dans la vase : avant c’était open bar, désormais ça ressemble à une fermeture administrative ! Le photographe se déplace le cœur battant, observe les quais, les arbres, le barrage, même le ciel est vide, pas de zoziaux… Notre chasseur n’en croit pas ses lunettes, il les retire, les essuie, se dit qu’elles se sont certainement embuées à cause de ce fichu masque en tissu lavable vingt fois, pourtant amoureusement confectionné par sa tendre épouse entre deux parties de bridge. Ah ! Si seulement il avait pu s’offrir un FFP2 avec sa précieuse cartouche filtrante ! Il faut se rendre à l’évidence, les lunettes vont bien, les yeux aussi, mais tous les oiseaux ont disparu ! Il se dit qu’ils auraient pu le prévenir, juste une petite missive portée par un pigeon voyageur, voire une lettre anonyme, les corbeaux sont experts en ce domaine.
Après tout, même si l’horaire était un peu matinal, ils auraient pu lui proposer – sous dérogation – un Skype apéro ou un Face Time sur WhatsApp pour partager quelques graines salées avec un jus de houblon frais et mousseux.
Se seraient-ils eux-mêmes confinés après avoir entendu l’impressionnante voix de stentor du premier de nos ministres ? Notre chasseur court alors vers le pigeonnier en bois du bord de Vienne, hèle la gent ailée, frappe contre les planches… Point de réponse. Si c’est une farce, il sait qui en est le dindon. S’il trouve le responsable de cette mauvaise plaisanterie, il va lui voler dans les plumes, et ils vont échanger quelques noms d’oiseaux ! Il comprend alors qu’il s’est fait pigeonner ! Il s’inquiète toutefois de leur santé, se seraient-ils contaminés les uns les autres ? Le héron cendré aurait-il perdu le goût du poisson et l’odorat pour rechercher les vermisseaux dans la vasière ? Il se demande si une aigrette imprudente et étourdie n’aurait pas éternué dans un transport en commun, en oubliant de mettre son bec dans le creux de son aile ? Les choucas auraient-ils oublié la distanciation aviaire ? Pourtant, ils le savent qu’il faut respecter le mètre. Lemaître aussi d’ailleurs !
Les cormorans se seraient-ils perchés à plus de six pour prendre leur repas de poissons dans leur arbre préféré sur les quais ? Les mouettes auraient-elles négligé de se rincer les palmes avec du gel hydro alcoolique ? Pourtant, le panneau du point d’information tout proche rue Jean Monnet précise bien les gestes barrières à respecter !
Dans le doute, il saisit son téléphone pour vérifier sur les réseaux sociaux si quelque volatile syndiqué n’aurait pas appelé à une manifestation devant la mairie, à quelque transhumance vers une autre zone humide réputée sans virus… mais rien, pas le moindre commentaire, ni tweet, ni like sur le sujet. Inquiet en cette période anxiogène, il songe à contacter la gendarmerie pour déclencher le plan épervier.
Il espère cependant que ses chers oiseaux ont bien activé « TousAntiCovid » sur leur portable. Il va sur le site du ministère de l’Environnement pour voir si quelque directive d’un érudit énarque bobo parisien aurait interdit les abords de rivière à ses volatiles préférés. Barbara n’a rien écrit, Nicolas le mulot non plus. Fichtre ! Mais qu’est-ce donc que cette désertion ? Il finit par émettre plusieurs hypothèses : tous ses amis ailés s’étaient peut-être réunis à quelques tirées d’aile d’ici, et puis tombe l’improbable message gouvernemental qui les bloque là où ils sont, sans doute bien au-delà de ce kilomètre réglementaire. Mais ils pourraient aller sur le site gouv.fr, imprimer une attestation, la remplir en deux coups de plume et revenir ici en cochant la case dérogatoire « satisfaire ses besoins alimentaires » ! Il se dit que ses oiseaux ne sont pas des contrevenants prêts à sortir en dehors du respect des règles sanitaires vétérinaires.

Pas le genre de délinquants qui pourraient être verbalisés de 135 grammes de graines pour ne pas avoir rempli leur attestation ou avoir négligemment porté le masque sous le bec. Peut-être que l’un d’entre eux a volé jusqu’au parc du Verger pour se faire introduire, en faisant la grimace, un écouvillon au fond du bec, et si le résultat fut positif tous ses congénères se sont retrouvés cas-contact isolés en quatorzaine dans leur nichoir ! Il réfléchit et se dit qu’ils sont peut-être rentrés chez eux pour faire du télétravail sur la table du salon tout en gardant leurs petits. Ou alors ils sont allés remplir un caddie de pâtes et de papier toilette.
Il pense surtout à ses publications et se dit que c’est le chant du cygne pour la suite de sa série d’articles sur les oiseaux. Ah ! S’il osait, il appellerait bien Raoul, le professeur pour savoir si tous ces vilains petits canards n’auraient pas effectué un rapide vol aller – retour en escadrille jusqu’à Marseille pour quérir, à titre préventif, quelques boîtes d’hydroxy chloroquine. Il pense même à contacter l’Agence Régionale de Santé afin de vérifier si la région n’a pas été placée dans un confinement aviaire renforcé.
Une sonnerie retentit, notre chasseur d’images tend le bras et arrête le bruit strident sur sa table de nuit… Il se réveille haletant, après un affreux cauchemar, et reprend ses esprits. Il est soulagé, ce n’était qu’un mauvais rêve, il va donc pouvoir de nouveau rejoindre les bords de Vienne et retrouver ses chers amis. Dans quelques jours il pourra reprendre… la plume pour nous rédiger un nouvel épisode du chasseur d’images confiné. C’est vrai qu’en la matière il est le maître…
Jacques Dufour. novembre 2020

Un chasseur d’images amateur au milieu de l’automne 2020

Le mercredi 14 octobre 2020, le président de la République annonce la mise en place d’un couvre-feu, de quatre semaines, à Paris, en Ile-de-France et dans sept autres métropoles à partir du 17 octobre à 0 h 00, jusqu’au 1er décembre. La Vienne est alors classée en « zone alerte » depuis trois semaines. Deux jours plus tard, Denis Daumin, journaliste de la NR, écrira « Les jours du couvre-feu automnal ressemblent à ceux du triste printemps de réclusion ».

A partir de la mi-octobre, le chasseur d’images amateur est amené à s’écarter des abords du site de la Manu, abandonnant ainsi les quais de la Vienne entre l’usine EDF et le pont Henri IV. Les travaux sur le clapet est du déversoir reprennent épisodiquement avec des bruits éloignant la gent ailée. Au cours de la matinée du 20 octobre, le canal de décharge est ainsi déserté, les oiseaux s’étant regroupés à l’ouest du terre-plein central de l’usine. Deux jours plus tard, au cours de l’après-midi, le photographe assiste à l’intervention de la fédération départementale de la pêche qui, à l’aide d’un filet et d’épuisettes, transvase les poissons de la mare au pied du déversoir au-dessus des clapets. Le même jour, l’épais mur, érigé au début de septembre en aval du clapet oriental, est démonté.  Pour autant les travaux ne sont pas terminés : le clapet occidental doit subir le même traitement.

Pendant une quinzaine de jours pluvieux et froids, une certaine tristesse s’est installée, sur le plan d’eau, avec des teintes souvent sombres. Les oiseaux ont eux-mêmes adopté des livrées où le noir et le blanc se disputent la place : les grands cormorans, les corneilles, les poules d’eau et les pies, pour le noir, et les cygnes, les aigrettes et les mouettes, pour le blanc. Seuls les bergeronnettes des ruisseaux et les martins-pêcheurs y apportent de la couleur avec l’aide des colverts.  Le 18 octobre, ces derniers désertent le canal de décharge où, depuis un mois, respectant la jauge préfectorale, ils s’étaient rassemblés à une trentaine.  Par moments, un rayon de soleil suffira toutefois à éclairer des berges aux nuances automnales.

Absents seulement deux jours, des cygnes tuberculés sont revenus dès le 8 octobre. Une famille de cinq avec trois juvéniles assure la relève en amont du pont Henri IV. Outre un plumage brun-gris pour l’un d’eux, un bec gris foncé distingue les jeunes des adultes au bec orange surmonté d’un tubercule noir. Respectant les recommandations présidentielles, ils restent à six depuis la mi-octobre avec le renfort d’un autre adulte.  La jauge sera dépassée, le 27 octobre, par une douzaine de cygnes, en amont de l’usine EDF, attirés par des végétaux accrochés aux bouées délimitant la zone de navigation.

Assidus depuis la fin du mois d’août, deux hérons se mêlent volontiers aux cormorans dans les arbres ou les rochers du terre-plein central de l’usine EDF et sur un tronc flottant en amont du pont Henri IV. Le 21 octobre, face à un fort vent du sud, ils adopteront une position aérodynamique. Un couple d’aigrettes cohabite également avec les oiseaux noirs.

Les intempéries de l’automne ont le mérite de reverdir les espaces herbeux et de faire pousser les champignons. Le 15 octobre, sur l’île Cognet, le photographe découvre plusieurs champignons inconnus de lui, auprès d’arbres couchés ou non. L’application I-Naturalist lui fournit une première ébauche dans leur identification. Pour autant, il se garde bien de les cueillir, se contentant de les photographier. Quelques jours, plus tard, en forêt de Mareuil, sur la commune de Chauvigny, il procédera de même. Par la même occasion, River, la nouvelle chienne de sa fille Hélène, fera sa première sortie dans les bois.

De leur côté, les parcs de la ville ont retrouvé un peu de couleurs et abritent à nouveau quelques espèces d’oiseaux un temps oubliés. Le 16 octobre, au parc Aristide Briand, un déjeuner sur l’herbe regroupe pinsons des arbres, moineaux, merles et verdiers d’Europe, parfois dérangés par des étourneaux. Dans les arbres, s’activent également les mésanges à longue queue et les fauvettes à tête noire.  Le 20 octobre, de nombreux passereaux s’affairent autour d’arbustes de la rue Camille Lebeau. Sous la surveillance de plusieurs étourneaux perchés sur les antennes environnantes, fauvettes, mésanges bleues, rouges-queues et autres dégustent des baies. Le lendemain, ses pas pousseront le chercheur d’images jusqu’au pont de Loudun, lieu de franchissement de la Vienne par l’ancienne voie de chemin de fer. Cet ouvrage, l’ancienne usine du Bien-Nourri et l’île Sainte-Catherine sont alors photographiés.

La fréquentation régulière du centre-ville de Châteauneuf permet à l’amateur d’images la rencontre dominicale des paroissiens de l‘église Saint Jean l’Evangéliste. Depuis la réouverture au culte, le port du masque et les gestes barrières y sont respectés. Aussi, des cérémonies importantes comme la profession de foi et l’installation du nouveau curé, les 11 et 18 octobre, présentent-elles d’étranges assistances masquées.

Le mois d’octobre 2020 se terminera par un retour du confinement pour quatre semaines au moins. L’activité du chasseur d’images risque d’en pâtir en novembre. Le 28 octobre, en milieu d’après-midi, il procède à une nouvelle observation des oiseaux fréquentant le canal de décharge alors qu’à 15 h 00, le glas résonne dans toutes les églises de France en réponse à l’attentat perpétré à Nice, dans la matinée.

Denis Lemaître

Lettre d’information aux adhérents du 17 novembre 2020

Chère adhérente, cher adhérent,

Au milieu de cette troisième semaine de confinement automnal, l’horizon ne semble pas devoir se dégager avant quelques mois. Le 12 novembre 2020, le Premier ministre a annoncé une prolongation des règles actuelles de 15 jours avant de connaître une possible adaptation à compter du 1er décembre. Une levée du confinement avant les fêtes de fin d’année semble peu vraisemblable. Aussi je ne puis que vous réaffirmer la suspension des activités publiques de la Société des Sciences pour une durée indéterminée.

Toutefois, malgré cette trêve des confiseurs anticipée, vos administrateurs poursuivent leurs échanges afin de :

  • diffuser, avant la fin de l’année, la version numérique du bulletin n° 153 à l’ensemble des abonnés ; les initiateurs d’une telle version sont ici remerciés,
  • fixer les modalités de la distribution de la version « papier » dès la fin du confinement ; l’impossibilité actuelle de se réunir en empêche notamment la mise sous pli,
  • veiller à la rentrée des dernières cotisations de 2020 ; les retardataires peuvent encore apporter leur contribution,
  • réfléchir sur la programmation du cycle des conférences pour le premier semestre 2021 ; le recours à des conférenciers de la région sera privilégié,
  • lancer les préparatifs d’une assemblée générale, peu ordinaire, prévue le samedi 30 janvier 2021 ; sa tenue est subordonnée à la possibilité préalable de réunir un ou deux conseils d’administration,
  • préparer les sommaires des trois bulletins de 2021 voire avec un ou deux bulletins spéciaux ; le bulletin n° 154 est déjà bien avancé,
  • faire vivre le site de la Société grâce à la poursuite de recueil de témoignages sur le confinement.

Bien que tout cela soit possible grâce au « télétravail », vos administrateurs regrettent de ne pouvoir se retrouver régulièrement pour gérer l’association, d’une part, et animer des groupes de recherches, d’autre part, notamment sur les maisons communes et le centenaire d’événements. Par ailleurs, ils déplorent surtout de ne pas pouvoir vous retrouver lors des soirées des deuxième et quatrième mercredis de chaque mois à la Salle de la Gornière.  

Dans l’espoir de pouvoir le faire rapidement au début de l’année 2021, vos administrateurs et moi-même vous demandons de bien prendre soin de vous et de vos proches.

Votre président.

Denis Lemaître

Lettre d’information aux adhérents du 1er novembre 2020

Chère adhérente, cher adhérent,

La mise en œuvre du nouveau confinement, dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 octobre 2020, donne un coup d’arrêt à la reprise des activités de la Société des Sciences de Châtellerault en présence du public.

Après un long moment de discrétion forcée, votre société avait reprogrammé des conférences pour les quatre derniers mois de l’année 2020. Elles ont effectivement pu reprendre le 23 septembre à la salle de la Gornière. Une intervention télévisée du Président de la République a accompagné les deux suivantes les 14 et 28 octobre. Pour la dernière, l’importance de la communication présidentielle a eu pour conséquence une assistance réduite. Pour ce qui concerne cette assistance, vos administrateurs et moi-même souhaitons remercier les spectateurs de ces trois réunions qui se sont prêtés de bonne grâce au strict respect des consignes sanitaires. 

La décision, annoncée le 28, a conforté et précipité une mesure en cours de réflexion au sein du conseil d’administration depuis près de quinze jours. Aussi ai-je l’honneur de vous confirmer la suspension, pour une durée indéterminée, de toutes les activités publiques de la Société des Sciences. En l’état actuel, il est bien sûr impossible de vous indiquer une éventuelle date de reprise. Elle n’aura certainement pas lieu avant le début de l’année 2021.

 Dans l’attente de celle-ci, un premier bilan peut être esquissé pour 2020. Sur une programmation de 17 réunions, le cycle annuel a été réduit à huit conférences avec une interruption de la mi-mars au 23 septembre. Quant aux publications, deux bulletins ordinaires, les n° 151 et 152, ont été distribués. Un troisième est en cours de finition. Le quatrième tome de « La Petite et Grande Histoire de Châtellerault racontée par ses rues » est sorti au cours de l’été avec, pour titre, « La plaine d’Ozon ». La diffusion plus ou moins régulière d’une lettre d’information et d’articles, notamment du chasseur d’images amateur, a comblé quelques vides. Ayant pu seulement se réunir six fois au cours de l’année, vos administrateurs ont fait tout leur possible pour ne pas rompre le contact avec les adhérents. Au cours des 10 derniers mois passés, plus de 800 courriels seront ainsi échangés.

A la veille d’une nouvelle année, espérée meilleure, votre soutien est indispensable à la survie financière de votre association. Ce soutien passe par le règlement des cotisations. Certaines manquent pour l’année 2020. Pour 2021, les modalités de versement seront prochainement fixées.

En conclusion, vos administrateurs et moi-même vous invitent à toujours bien prendre soin de vous et de vos proches afin d’être en mesure de profiter des fêtes de fin d’année.

 Votre président, Denis Lemaître

Un chasseur d’images amateur au changement de saison automnal

« Après un printemps confiné et un été libéré », un automne en demi-teinte s’installe à partir du 22 septembre 2020 avec, quelques jours auparavant, des signes annonciateurs relevés par le chasseur d’images amateur.

Au milieu d’un mois de septembre ensoleillé, à la période la plus chaude de la journée, les colverts se mettent à l’abri sous l’arche occidentale du pont Henri IV. Au centre du plan d’eau, un héron profite du soleil.

Le 16 septembre, la présence d’un cinquième cygne est notée en aval du barrage EDF. Ils seront six le 28 septembre, formant ainsi trois couples qui exploreront un large espace entre l’usine EDF et le pont Henri IV avec toutefois une préférence pour la proximité de cet ouvrage. Du 25 au 27 septembre, cette même zone est survolée par quelques centaines d’hirondelles au croupion blanc. La fixation de leurs évolutions au-dessus de l’eau est impossible pour le photographe amateur. Il en sera de même, le 4 octobre, lors du passage d’une autre colonie de cette espèce. Leur comportement paraît étrange à l’observateur. Cette impression sera confirmée par un article de la NR, daté du 29 septembre, indiquant que la fraicheur soudaine a perturbé les jeunes hirondelles.

A la veille du changement de saison, la fin de semaine est marquée par des ondées orageuses à l’origine d’une petite hausse du niveau de l’eau dans le canal de décharge de l’usine EDF. Cette hausse est sensible au pied du déversoir où la mare s’agrandit avant d’accueillir à nouveau, au début de l’automne, plusieurs oiseaux : un héron, les martins-pêcheurs, une aigrette, une mouette, des bergeronnettes, des corneilles et des poules d’eau ainsi que le chevalier guignette.

Le 17 septembre, la femelle martin-pêcheur est repérée au pied du clapet ouest du déversoir. Elle est reconnaissable par la base rouge de son bec noir. Un cri aigu, suivi d’un éclair bleu au-dessus de l’eau, trahit souvent la présence de cet oiseau. En dehors de ses déplacements, il reste plutôt discret au bord de l’eau. Son repérage lointain, à la suite d’une observation minutieuse des berges, permet parfois des belles photographies grâce une approche silencieuse.

Le même jour, la mésange charbonnière est de retour. Friande des fruits de l’érable, elle s’active sur le quai du 11 novembre. Une bande centrale noire plus étroite sur le dessous jaune vif caractérise la femelle. Elle se manifestera à nouveau dans la résidence du photographe au début du mois d’octobre.

Le 18 septembre 2020, en fin de matinée, alerté sur la présence d’une cigogne blanche sur une cheminée du square Alexis Danan, le chasseur d’images se précipite pour voir l’oiseau s’envoler et rejoindre, dans le ciel, plusieurs congénères. Après quelques cercles au-dessus de Châteauneuf, le groupe prend la direction du sud marquant ainsi la fin de l’été.

Le 27 septembre, un couple de colverts regagne le canal de décharge du barrage EDF se contentant d’une mare en amont du pont Camille de Hogues. Le 1er octobre, après une nette remontée des eaux consécutive à une période pluvieuse, une trentaine de canards occuperont l’endroit. Le prolongement des intempéries aboutira, le 4 octobre, à un gonflement conséquent du cours d’eau principal avec la disparition progressive des perchoirs pour les hérons et autres volatiles. Le courant plus puissant entraînera le départ momentané des cygnes.

En plus des travaux poursuivis de façon irrégulière sur le clapet oriental du déversoir, le début du mois d’octobre est marqué par un nettoyage important du canal avec la taille des arbustes ayant poussé dans le lit. Le terre-plein central et le versant ouest sont également nettoyés. Le chasseur d’images perd alors les affûts végétaux bordant le quai du 11 novembre.

Le long de ce quai, à proximité du pont Camille de Hogues, le photographe croise régulièrement des jeunes gens masqués paraissant anxieux avant de prendre le volant d’une auto-école pour l’examen du permis de conduire. Le port du masque est obligatoire pour tous les occupants du véhicule.

Ce port est également imposé par des panneaux, lors de la brocante, tenue sur le parking Blossac, le premier dimanche de chaque mois.

Denis Lemaître

Lettre d’information aux adhérents du 1er octobre 2020

Chère adhérente, cher adhérent,

Pour le département de la Vienne, classé en « zone Alerte », un récent arrêté préfectoral interdit, du 28 septembre au 12 octobre 2020, les rassemblements festifs ou familiaux de plus de 30 personnes dans les établissements recevant du public (ERP).

La salle de la Gornière, établissement de ce type, accueille depuis quelques années les conférences de la Société des Sciences. Une menace pèse-t-elle sur la poursuite du cycle annuel de nos réunions qui a repris le 23 septembre avec une assistance de 56 personnes ?

Pour l’instant, les activités associatives ou professionnelles, sans caractère festif, dans les ERP, demeurent autorisées, sous la réserve de la mise en œuvre d’un protocole strict permettant le respect des mesures « barrières ».

Aussi, outre les mesures sanitaires prises la ville pour l’accès aux salles municipales, les administrateurs en charge de l’organisation des conférences ont-ils pris des précautions supplémentaires :

  • la mise à disposition de solution hydroalcoolique à l’entrée de la salle et à la sortie,
  • le contrôle de l’obligation d’un port correct du masque à l’entrée et durant la totalité du séjour dans la salle,
  • le recueil des coordonnées téléphoniques des spectateurs à l’entrée,
  • le respect des mesures de distanciation physique avec des sièges espacés d’un mètre et un flux de circulation séparant l’entrée et la sortie,
  • la désinfection du mobilier (sièges et tables) et matériels utilisés avant et après la conférence,
  • la disparition des points de contact pour les mains notamment par le maintien des portes ouvertes,
  • l’absence de vestiaires, chacune et chacun étant invité à garder ses affaires personnelles.

Un tel dispositif exclut bien sûr l’organisation d’un moment de convivialité à l’issue de l’activité. Nous aurons, je le souhaite, l’occasion de nous rattraper.  

Par ailleurs, notre prochaine conférence est programmée le mercredi 14 octobre 2020, deux jours après la fin de la période indiquée par l’arrêté. Pour autant, il faut nous préparer à une possible prolongation avec le souci permanent de protéger nos voisins lors de nos rencontres. En la matière, il me paraît utile de rappeler que l’objectif du port du masque n’est pas de se protéger personnellement mais de protéger les autres. Le courage réside dans le respect de cette obligation face à des personnes ne pouvant ou ne voulant pas le faire. 

En tout état de cause, vous avez certainement compris que la reprise effective de nos activités culturelles est subordonnée aux respects de l’ensemble de ces mesures dont la mise en œuvre demande une mobilisation particulière de vos administrateurs. J’en profite ici pour les en remercier. 

Pour conclure, notre cycle de conférences n’entre pas dans le champ des dispositions relatives aux rassemblements festifs. Des assurances m’ont été données, ce jour-même, par la préfecture de la Vienne. Celles et ceux d’entre vous ayant assisté à notre réunion de rentrée, ont pu apprécier les mesures alors appliquées. En conséquence, la programmation de la conférence « Correspondance conjugale des Voyer d’Argenson » par Sophie Delhaume est maintenue au 14 octobre.  

Avec le plaisir de vous revoir à cette occasion, je vous invite toujours à prendre bien soin de vous et de vos proches. 

Votre président.

Denis Lemaître

Un chasseur d’images amateur à la rentrée de septembre 2020

Au début du mois de septembre 2020, malgré l’attrait pour le suivi du Tour de France à la télévision, le chasseur d’images amateur poursuit l’observation de la faune fréquentant les abords du site de la Manu. Après un mois d’août axé sur le canal de décharge de l’usine EDF, il lui faut migrer sur les bords de la Vienne entre les ponts Camille de Hogues et Henri IV, suivant ainsi le mouvement des oiseaux. De façon quotidienne, il parcourt ainsi les quais du 11 novembre et des Martyrs de la Résistance, voies bordées d’arbres bruissant du chant des corneilles et des étourneaux.

La fin du mois d’août est marquée par le retour de certains volatiles et le départ des migrateurs. Le 22 août, une deuxième aigrette revient dans le coin. Le 25 août, un cygne se manifeste en amont du pont Henri IV. Détaché en éclaireur, il sera bientôt rejoint par une femelle puis par un autre couple. La présence d’un deuxième héron est notée le 30 août. Il se différencie du premier par le haut des ailes blanc au lieu de noir. Une fine huppe noire distingue l’oiseau adulte. Quelques cormorans s’installent à l’ouest du terre-plein central de l’usine et intensifient la pêche dans la zone de réserve entre le barrage EDF et le pont Henri IV. Ils ne sont pas les seuls à ne pas respecter cette interdiction.

L’absence des martinets est alors remarquée tandis que, le 30 août, les hirondelles des fenêtres font un dernier passage au-dessus de la rivière en aval de l’usine EDF. Le chevalier guignette, un temps discret, se manifestera le 2 septembre près du pont Henri IV en prolongeant son séjour châtelleraudais de quelques semaines.

A partir du 28 août, à la suite d’un assèchement important consécutif à la reprise des travaux sur le clapet oriental du déversoir quelques jours plus tôt, le canal de décharge est progressivement déserté. Les flaques d’eau n’accueillent plus les petits poissons, nourriture de certains : hérons et martins-pêcheurs notamment. Ne pouvant plus nager, les canards rejoignent le cours principal de la rivière. Après avoir tenu quelques jours, les poules d’eau et les ragondins quittent également les lieux, maintenant troublés par le bruit des marteaux-piqueurs. Seuls résistent les passereaux venant se désaltérer ou se baigner.

Une fois repérés à la base des piles du pont Henri IV, le 1er septembre, les martins-pêcheurs élargissent leur zone de prospection sans pouvoir être alors photographiés. Ils le seront plus tard à leur retour, le 11 septembre, au pied du déversoir où une mare s’est formée à la suite de l’édification d’un batardeau et en l’absence des ouvriers. Ils ne seront pas les seuls à en profiter : aigrettes, bergeronnettes, corneilles et poules d’eau les rejoindront en cette fin de semaine.

A compter du 3 septembre, les gros oiseaux se concentrent donc entre les deux ponts avec quatre cygnes, trois hérons, deux aigrettes, quelques poules d’eau et de nombreux canards.  Les colverts mâles y retrouvent progressivement leurs tons colorés. Les bergeronnettes s’y manifestent également le long du quai des Martyrs de la Résistance. Cygnes, hérons et aigrettes feront des excursions en aval du barrage EDF.

Une observation attentive des activités des uns comme des autres permet la saisie de quelques moments d’intimité, comme la toilette des cygnes, des colverts ainsi que des passereaux, voire d’instants spectaculaires avec des vols de concert de deux hérons, ponctués de cris stridents.

Avec la rentrée scolaire, les activités humaines reprennent sur les quais, à proximité de la Vienne. Le skate-park reste fréquenté par quelques adolescents non masqués. La place Ferdinand Buisson et le boulodrome de la promenade des Acadiens accueillent de nouveau les joueurs de pétanque, dispensés également du port du masque. Après la reprise des cours, le 3 septembre en milieu d’après-midi, quelques lycéens se retrouvent sous le tablier du pont Camille de Hogues pour arroser la rentrée. La circulation sur les ponts du centre-ville se densifie avec une présence accrue des bicyclettes. Un usage plus ou moins régulier des vélos de l’agglomération est fait par les jeunes.

Outre une assiduité certaine à suivre les étapes du Tour de France à la télévision, le photographe ne pourra résister au plaisir d’assister au passage de cette grande épreuve cycliste, le 10 septembre, à Chauvigny. Son objectif sera alors tourné vers les véhicules de la caravane et les coureurs.

Denis Lemaître

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