Un chasseur d’images amateur confiné

Le 17 mars 2020, les mesures relatives au confinement ont bouleversé momentanément la vie d’un chasseur d’images amateur.

Depuis septembre 2009, à Châtellerault ou ailleurs, il déambule avec un appareil photo autour du cou.  Pendant plus d’une dizaine d’années, tout en vaquant à ses occupations, il s’est intéressé à l’architecture et à la nature dans son département de résidence, la Vienne. Il a notamment parcouru toutes les rues de Châtellerault en trois ans avec sa chienne Pépite, à compter de l’automne 2009. Il a aussi visité toutes les communes du département en photographiant, de manière systématique, les églises et les monuments aux morts.

Tout d’abord attiré par des édifices imposants, son œil s’est ensuite tourné vers des êtres vivants plus petits : les fleurs d’abord, puis les oiseaux et les insectes, surtout les papillons et les libellules. Cette expérience lui sera fort utile durant la période du confinement. Il a en effet dû évoluer sur le plan technique : photographier un papillon sur une fleur ou un oiseau sur une branche est plus complexe que fixer la façade d’une église ! L’approche est déjà différente : le moindre mouvement brusque étant à proscrire.

Le passage progressif s’effectuera à compter de 2015. La priorité sera alors donnée à la nature, tout en gardant bien sûr un œil sur certaines réalisations architecturales, lors de la découverte de nouvelles contrées. Initialement intéressé par les fleurs et les oiseaux, le photographe se tournera également vers les insectes, avec un attrait particulier pour les papillons et les libellules.

Une fois les rues arpentées dans le cadre de la recherche de maisons remarquables, il parcourt, maintenant seul, parcs, jardins et forêts. A Châtellerault, le parc du Verger, le square Gambetta, le parc Aristide Briand et le jardin du directeur (site de la Manu) n’ont plus de secrets pour lui.

Dès lors, il partage sur Facebook sa nouvelle passion, en postant régulièrement des photos de la gent ailée. En la matière, le début de l’année 2020 commence très bien avec la publication, en janvier, de deux séries de photographies, dont la plus intéressante est celle des occupants du site de la Manu (un couple de martins- pêcheurs notamment).  Le rythme d’une parution tous les quinze jours est alors pris. Des photos saisies dans les parcs et rues de la ville sont ainsi publiées. Elles sont réalisées lors de promenades quotidiennes de quatre à cinq kilomètres, sans aucune restriction.

Tout bascule le 17 mars 2020 : dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le photographe et surtout son appareil sont confinés dans un appartement d’une résidence. Le champ de prospection s’est notablement réduit ! Jusque-là seulement freiné par ses capacités physiques et des obligations associatives de bénévole, il se voit enfermé dans un espace réduit (100 m2) d’où il ne peut sortir que muni d’une attestation de déplacement dérogatoire, comme tous ses compatriotes. Sans être journaliers, les déplacements se font durant une heure et dans un rayon d’un kilomètre autour du domicile, sans prendre le risque d’emporter un appareil photographique.

Comment continuer à alimenter la rubrique sur Facebook ? La nature elle-même va apporter la solution. La résidence du chasseur d’images est bordée de jardins à l’est et à l’ouest.

 Il lui suffira donc, dans un premier temps, de descendre dans la cour pour apprécier le spectacle proposé par les oiseaux. Les arbres voisins offrent des scènes appropriées. Toutefois, frisant le ridicule avec son Nikon à la main dans les allées résidentielles, à des moments inadaptés, il abandonnera rapidement cette possibilité. Depuis son appartement, le chant des oiseaux lui rappelle leur présence et il peut les observer depuis une fenêtre ou le balcon. Posés sur les antennes des maisons voisines, chardonnerets élégants et rougequeues noirs ou à front blanc se signalent, disputant la place aux tourterelles turques et aux pigeons ramiers.

Leurs nids installés dans le pignon d’une maison proche, les moineaux domestiques se chamaillent dans les arbustes en appréciant particulièrement une haie de bambous lors des intempéries. Merles noirs, pies et autres foulent les pelouses de la résidence en début et en fin de journée. Les pigeons, nichés dans les arbres les plus hauts, se postent souvent au sommet des toits, avant d’investir un jardin où ont été semées des graines. Un accenteur mouchet les rejoint parfois.  Un héron cendré se risque également à un passage avec un court arrêt au sommet d’un grand sapin au sud-ouest de la résidence. Les mésanges, charbonnières ou bleues, animent de leurs chants les arbustes du sud.

D’abord méfiants à l’apparition du photographe avec son objet « menaçant » en main, les volatiles semblent s’apprivoiser en ne réagissant pratiquement plus à sa présence dans l’encadrement d’une fenêtre ou sur le balcon. La tonte récente des pelouses et la nourriture laissée par les voisins sur les terrasses facilitent la tâche du chasseur d’images en lui permettant de réaliser quelques photographies révélatrices de leurs activités

Une fois les clichés réalisés, il lui faut identifier les oiseaux. Il procède alors d’une façon empirique : après une capture d’écran sur son ordinateur, il utilise son téléphone portable pour consulter l’application iNaturlist. L’exploitation de la photo aboutit à quelques propositions faisant ensuite l’objet d’un contrôle sur des livres de référence comme le guide « Oiseaux de France et d’Europe » de Rob Hume, chez Larousse.  Des observations pertinentes peuvent aboutir à une mise à jour de la base des données de l’application.                                                                                                                      

  Ainsi, sans prendre des risques inconsidérés, le chasseur d’images, cloué à la maison, parvient-il à alimenter hebdomadairement sa page Facebook avec l’aide des oiseaux, maintenant maîtres des abords d’une résidence très calme. Seule la pratique quotidienne des applaudissements à l’attention des personnels soignants trouble leur quiétude à 20 h 00. S’y ajoute malheureusement l’errance continuelle de nombreux chats.

Cette observation discrète des oiseaux aura permis au photographe amateur de se livrer à sa passion, tout en trouvant une source d’évasion depuis sa fenêtre ou son balcon durant le confinement de ce printemps.

Denis Lemaître

Une version illustrée est consultable sur l’espace privé.

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