C’était il y a longtemps, longtemps, vingt années avaient passé depuis l’an mille, l’année de la grande peur ! En ces temps-là, il n’y avait encore point de cathédrales. Le pays travaillait dur, mais un grand nombre de produits venaient de chez les Mongols, où de grands ateliers de tisserands produisaient des étoffes, que l’on transportait en Arabie où les Sarrasins en faisaient des chemises et des braies. Les marchandises étaient portées pendant des mois par de longues caravanes de dromadaires qui traversaient les steppes désolées de l’Asie centrale. Ces produits étaient souvent de piètre qualité, mais les Mongols répondaient qu’il ne fallait pas chinoiser pour si peu. Des carrioles aussi étaient fabriquées dans l’Empire du Milieu, puis transportées sur les mers par d’énormes vaisseaux. Au royaume des Francs, le travail se faisait rare…
Des marchands annoncèrent un jour qu’en ces contrées d’Asie, une étrange maladie était apparue. Partie d’un marché aux poissons, où l’on vendait aussi des souris volantes et des pangolins, des milliers de paysans étaient atteints par cette fièvre sournoise qui les couchait les uns après les autres. Certains en mouraient et il y avait tant de malades que l’empereur ordonna de construire promptement de nouveaux hospices pour les accueillir. Le mal se répandait et anéantissait tout le monde sur son passage, les gueux comme les seigneurs. Les Mongols disaient qu’un dragon aussi monstrueux qu’invisible avait envahi cités et villages et qu’il dévorait ceux qui osaient s’aventurer dehors. Il n’y eut bientôt plus personne dans les rizières, chacun restant en son logis pour se protéger de cette fureur céleste.
Des Francs qui avaient émigré pour faire commerce en ces lointaines contrées appelèrent bientôt à l’aide. Ils voulaient tous rentrer promptement en leur royaume pour fuir ce funeste mal. Mais l’aéroplane n’ayant pas encore été inventé, il leur faudrait voguer longtemps sur les mers. Leur Roy les entendit et manda de preux chevaliers les quérir en cet empire maudit. Bientôt, des vaisseaux se mirent en marche sur les mers, et des milliers de Francs prirent le chemin du retour. Mais quand ils arrivèrent, d’aucuns ne voulaient point approcher ces manants qui, disaient-ils, portaient en leur corps toutes les fureurs du ciel. On les parqua donc en quelques chaumières à l’écart, protégeant ainsi le bon peuple. Cependant, par-delà les montagnes, le mal rôdait déjà dans les contrées voisines. Les Lombards, qui commerçaient fortement avec les Mongols, car fort friands de pâtes et nouilles chinoises, furent les premiers touchés et la mort se répandait dans les bourgades avec une fulgurante rapidité. Puis ce fut la cité des Doges et le Piémont qui furent atteints.
Chez les Francs, c’était la saison où le peuple devait désigner ses échevins. Certains disaient qu’il fallait reporter ce scrutin à plus tard, car tous ces gens qui se rendraient à la maison commune allaient pour sûr se contaminer les uns les autres ! Mais le Roy et son grand chambellan en décidèrent autrement : il fallait que cette votation se fasse, car la reporter aurait bien compliqué l’institution. Il suffisait de prendre distance, de se masquer le minois et de se laver promptement les mains avec quelque onguent, avait-on dit !
A l’est du royaume, en Basse Alsace, une assemblée qui réunissait de pieux voyageurs du royaume et d’autres provinces propagea ce feu du ciel. Des centaines, puis des milliers de personnes tombèrent malades et on les entendait tousser, accablés par la fièvre, sans pouvoir les guérir car nulle drogue ne les soulageait. En repartant en leurs contrées, certains d’entre eux répandirent le mal dans tout le royaume et même au-delà. De longues files de charrettes emmenaient les malades vers les hospices qui ne savaient que faire de tous ces malheureux. Parfois, il y en avait tant qu’il fallait les porter en d’autres provinces du royaume.
Le Roy et ses ministres décidèrent alors que chacun devait rester en sa chaumière, que les escoles seraient closes, que toutes les échoppes, hostels et tavernes fermeraient leurs portes. Les potiers et les ferronniers ne pourraient plus exercer leur noble métier. Seuls les fours banals et les marchands de victuailles pourraient continuer à servir la population. Le Roy promit de réduire la corvée, la taille et la gabelle et d’indemniser tous ceux qui souffriraient en leur accordant moult piécettes d’or. Il exigea aussi que chaque sujet qui sortait de son logis ne puisse s’éloigner de plus d’un quart de lieue et qu’il note sur un parchemin le lieu où il se rendait. Mais en ces temps, peu de gens savaient écrire.
Il fut décrété que les tournois de chevalerie et les spectacles des saltimbanques, bardes et autres ménestrels seraient désormais interdits. Les chevaliers du Roy barraient les rues, contrôlaient le petit peuple et punissaient les contrevenants qui devaient sur le champ bourse délier. Quelques bourgeois bohèmes de la capitale avaient pris leurs dispositions : ils avaient fait atteler les meilleurs destriers à leurs carrosses et, par les chemins les plus divers, parcourant nuitamment campagnes et forêts, ils tentaient de rejoindre leurs castels de province. Les plus érudits auraient bien cherché leur chemin sur Google, mais les carrosses en ces temps-là n’étaient point encore équipés du wifi. « Nous y serons plus libres, disaient-ils, plutôt que cette confination à Paris, auprès de tous ces gueux qui pour sûr nous contamineraient ». En nos belles provinces, grâce aux fermiers de leurs castels, ils comptaient se rincer le gosier en abondance à leurs meilleures barriques et faire ripaille, manger poulardes et chapons, pâtés et grasses cochonnailles, mais point de frites hélas, car Parmentier n’avait pas encore inventé la pomme de terre, ce qui était bien triste en ces temps-là, où parfois sévissaient de longues et cruelles famines. Toutefois, la prévôté du canton et ses gens d’armes
surveillaient tous les chemins du royaume et beaucoup de carrosses furent arrêtés. Leurs propriétaires versèrent une lourde amende et durent s’en retourner en la capitale, souvent après avoir subi une bastonnade ou s’être fait botter le fessard.
Les cadavres s’empilaient aux abords des villages et les médecins royaux disaient que nul remède ne saurait anéantir ce mal. Ils avaient tout tenté, saignées et clystères, des druides choisis parmi les plus érudits avaient été mandés pour aller quérir par-delà plaines et montagnes les plantes les plus rares, mais nul traitement, nulle décoction ne faisait s’infléchir le nombre de malades. Un jour pourtant, un médecin de Provence fort réputé annonça qu’il guérissait le mal avec une pharmacopée de son invention. Les médecins royaux à Paris s’insurgèrent contre ce lointain confrère, disant que ce n’était là que fariboles et billevesées et que son breuvage à base d’écorce de quinquina ne faisait qu’achever ces pauvres gueux. Pourtant beaucoup, parmi le bon peuple, croyaient en cet homme de médecine qui portait une longue chevelure comme le Christ… D’autres pensaient qu’un machiavélique alchimiste mongol avait confectionné une potion diabolique et créé ces sortilèges en son antre.
Le bon peuple disait qu’il fallait se protéger le visage par quelque ruban d’étoffe, afin d’empêcher les humeurs de pénétrer nos naseaux, mais le Roy répondait que ce n’était que sottise, à quoi bon porter un masque quand ce n’est point carnaval ?
Après plusieurs semaines, la grogne qui sommeillait parmi le petit peuple, monta car d’aucuns trouvaient cette confination bien longue. Toutes ces échoppes fermées, ces ateliers de forgeron où l’on ne battait plus le fer, ces gargotes où l’on ne pouvait plus s’enivrer de bon vin, ces tavernes qui ne servaient plus de mangeaille, n’apportaient plus le moindre sou à leurs tenanciers et c’était la mort des villages. Le Roy consulta médecins et apothicaires, puis tous ses ministres. Compatissant, il annonça bientôt au petit peuple qu’un jour de mai il mettrait fin à ces mesures douloureuses. Il souhaitait que tous ses sujets puissent reprendre leur labeur et, pour libérer les parents laborieux, demanda que l’on rouvre les escoles. Il expliqua que les meilleurs herboristes du royaume allaient conjuguer leurs savoirs pour anéantir ce fléau et guérir tous ses sujets… mais qu’il faudrait attendre encore une quinzaine de lunaisons avant que le remède n’arrive. Demain sera un autre jour !
C’était il y a mille ans …
Jacques Dufour
Publié sur parchemin recyclé, encre biologique, plumes d’oies non gavées.
Société des Sciences
Activités de la Société des Sciences à l’automne 2020
Chère adhérente, cher adhérent,
En cette deuxième partie du mois d’avril, nous terminons la cinquième semaine de confinement tout en débutant le deuxième mois d’une mesure qui pourrait être levée le 11 mai 2020.
Le retour en classe annoncé ne signifie pas pour autant une reprise pleine et entière des activités de la Société des Sciences. Un retour sur les bancs de la fac n’est pas prévu d’ici l’été. En outre, les lieux accueillant un public large resteront fermés.
Aussi nous faut-il renoncer à la totalité de nos interventions extérieures jusqu’à l’automne. Les Journées Européennes du Patrimoine survivront-elles à la pandémie ? Selon les derniers renseignements reçus, une étude est en cours pour les déplacer éventuellement lors des journées nationales de l’architecture, programmées les 17 et 18 octobre 2020.
Dès maintenant, le colloque inter-associatif de Chinon, initialement programmé le dimanche 17 mai 2020, est reporté à l’an prochain. Les chèques et réservations parvenus au siège de l’association seront renvoyés dès que possible.
Nous envisageons cependant une reprise des conférences le mercredi 23 septembre 2020, à la salle de la Gornière, à l’heure habituelle. Pour l’organisation, outre la réouverture effective des lieux d’accueil, certaines précautions devront être prises. Dans ce cas, vos administrateurs auront sans doute pu se retrouver quelques temps auparavant pour les mettre au point.
Par ailleurs, cette conférence de rentrée serait l’occasion de distribuer le bulletin n° 152 qui est pratiquement terminé. Une diffusion numérique au cours de l’été n’est pas exclue. Le quatrième tome « Ozon » de la série « Petite et Grande Histoire de Châtellerault racontée par ses rues » pourrait être également disponible.
Prenez bien soin de vous et de vos proches.
Nous sommes impatients de vous retrouver.
Votre président, Denis Lemaître
Publication du livret « Châteauneuf »
À l’occasion de la publication du deuxième livret relatant l’histoire de Châteauneuf dans la collection « Petite et grande histoire de Châtellerault racontée par ses rues », le quotidien local Centre Presse a consacré un article à la Société des Sciences de Châtellerault.